Ernestine Nyoka : « Le pouvoir public a l’obligation de favoriser les femmes à occuper de postes aux niveaux central, national et local ».

Contactée par VOXPOPULI.CD, Ernestine Nyoka Kayiba, vice-ministre horaire du Budget et Cadre du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), estime que la promotion de la parité homme-femme en politique passe par l’application de l’article 14 de la constitution.* Pour elle, certaines femmes qui sont au gouvernement ne sont pas forcément passées par des médias, canal que certains utilisent aujourd’hui pour vilipender d’autres femmes politiques. Entretien.    

VOXPOPULI.CD : Constatation faites, beaucoup de Congolaises engagées en politique ne font pas trop usage de médias. Cela peut être dû à quoi ?

ERNESTINE NYOKA : Tout le monde n’est pas appelé à communiquer. N’oubliez pas que c’est une question des atouts personnels. C’est aussi une question de vocation. L’avantage que moi j’ai, ce que je suis avocate. Cela fait 25 ans que j’exerce. On ne peut pas prendre mon cas comme un cas type. Ce n’est pas possible. Cela dépend de ce que l’on veut soi-même et de ce qu’on a comme atout personnel.

N’est-ce pas que les médias jouent un rôle important dans la vie politique d’une femme, voire lors des élections ?

Nous qui passons chaque fois dans les médias, nous avons postulé plusieurs fois. Est-ce que vous m’avez vu élue députée nationale ? Je n’ai pas été élue. Ce n’est pas un avantage, les médias. Cela peut aussi être un inconvénient. Parce que, maintenant, je vois avec les médias en ligne les gens organiser beaucoup de choses. On a envie de nous injurier sérieusement sur les réseaux sociaux parce qu’on a eu l’opportunité d’entendre votre voix, d’avoir votre vidéo, d’avoir votre image et on les manipule comme on veut. Il y a même lieu de se demander si c’est vraiment un avantage de venir en politique parce que tout ce que vous faites est vu de travers.

Madame Mabunda a parlé, elle a eu raison, elle a parlé au conditionnel, simplement, parce que c’était une institution qui était hautement intéressée par la question du chef de l’Etat, mais tout le monde l’injurie : « Femme impolie ». On n’est pas prêt à voir les femmes exercer en politique en RDC. On veut  voir les femmes à la cuisine, on veut  voir les femmes faire des bébés.

Qui ne sont pas prêts à voir les femmes en politique ?

 Mais, les Congolais ne sont pas prêts ! J’ai vu une vidéo qu’on m’a envoyée récemment, on a vu de grands leaders politiques femmes. On n’a pas choisi les camps politiques. On a mis tout le monde dans le même sac et on a mis la chanson de Luambo « Basi ya bilongi mabe », en passant les photos, mais les personnes qu’on y voit, ce sont des femmes qui se sont distinguées, mais que l’on est en train de vilipender. C’est cela la RDC. Pensez-vous que ces femmes politiques ont besoin de se faire injurier comme ça ?

Le souci étant de voir les femmes participer nombreuses comme au Rwanda et en Afrique du Sud. Que doit-on faire ?

Au Rwanda, si les femmes sont nombreuses à l’Hémicycle, c’est parce qu’il y a eu une loi particulière qui donne des avantages à la femme, qui facilite la femme pour qu’elle arrive aussi à occuper des postes.  Chez nous, il n’y a pas une loi particulière. Dans la loi électorale, lorsque les femmes ont posé le principe des listes, d’un avantage particulier à donner aux femmes,  tous les hommes ont crié à l’Assemblée nationale. Le fameux article 13 n’a pas été libellé comme l’attendaient les femmes. Sur le terrain, c’est normal que les hommes aient l’avantage. Economiquement, les femmes ne sont pas aussi fortes comme les hommes. On a réfléchi sur les listes bloquées, sur les listes zébrées, c’est pour donner un avantage à la femme, mais personne ne l’a voulu. Le président Kabila lors de l’un de ses discours sur l’état de la Nation, a proposé que l’on fasse certaines choses pour les femmes dans la loi électorale pour la femme à l’Assemblée, personne ne l’a proposé ou suivi. Le problème de la femme reste entier. Moi, j’ai postulé deux fois, mais je n’ai pas été élue. Mais, lorsque vous regardez ce que je dispose comme voix, et vous voyez ceux qui ont mille voix passent, moi j’avais quatre mille et quelques voix, je suis restée. On va vous dire : Non, c’est le plus fort reste. Pourquoi ne pas donner un avantage particulier aux femmes ? Le président Kabila y avait réfléchi, mais on n’a rien fait là-dessus.

Le problème de la femme est un problème entier, il n’est pas lié à la femme. C’est d’abord lié au pouvoir public qui ne favorise pas la femme pour que réellement l’article 14 de la constitution soit d’application.  C’est cela le vrai problème. La volonté politique n’y est pas. Maintenant, peut être que le président Félix Tshisekedi a essayé de se démarquer en mettant plusieurs femmes au gouvernement, et même lui n’a pas fait l’effort qu’il faut. Heureusement qu’il a reconnu qu’il n’est pas encore arrivé.  Il y a des femmes compétentes, il y a des femmes qui ont des ambitions dans des partis politiques.

Cela n’empêche quand même pas aux femmes de passer des médias ?

La question sur les médias, vous comme moi nous savons très bien que les médias cassent. Vous savez pour faire une émission, il faut 600 dollars, (…) 800 dollars, 1000 dollars. C’est quand même trop. Cela veut dire que quand je passe dans une émission je m’appauvrie. Et quand je dis que la poche a de problème, vous réclamez.

Mais, il semble que nombreuses femmes invitées sur des plateaux de la télévision, même gratuitement, ont peur de passer. N’est-ce pas qu’elles se bloquent ?

Il y a un problème autour de cela. Moi, par exemple,  pas seulement moi, beaucoup de femmes veulent passer dans les médias, mais, on me demande souvent 600 ou 800 dollars. Les médias coutent excessivement cher. C’est une vérité qu’il faut reconnaitre. Si vous prenez un engagement avec un journaliste pour une émission, la personne commencera à vous appeler incessamment au téléphone.

Alors, si par exemple on vous demande de  dire par quoi on doit commencer, que diriez-vous ?  

Il n’y a qu’un seul élément et c’est de cet élément que sortent plusieurs autres bras, c’est l’application de l’article 14 de la constitution : le pouvoir public a l’obligation de favoriser les femmes à occuper des postes aux niveaux central, national et  local, à tous les niveaux.  C’est le pouvoir public qui doit le faire. Nous avons un garant de la nation qui est le chef de l’Etat, nous avons le gouvernement au sein duquel il y a le ministère du genre, donc des canaux  pour valoriser la femme.

Propos recueillis par Hubert MWIPATAYI

*article rédigé avec l’appui de l’Ambassade du CANAD, de l’ONU Femmes et de l’UCOFEM

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